Archivé: Spectrométrie de masse : Sarah Cianférani fait voler les protéines pour le diagnostic et le soin

15 mars 2022

Directrice de recherche à l’IPHC, Sarah Cianférani scrute les protéines pour mieux diagnostiquer et traiter différentes pathologies, dont des maladies neurodégénératives et des cancers. La spectrométrie de masse est son arme principale dans la chasse aux informations indispensables à l’élaboration d’anticorps monoclonaux, notamment pour l’immunothérapie.

Elle fait voler les protéines pour mieux les étudier. Sarah Cianférani est en effet experte en spectrométrie de masse à l’Institut pluridisciplinaire Hubert Curien (IPHC, CNRS/Université de Strasbourg). Un spectromètre de masse fonctionne comme une balance extrêmement précise : les molécules sont ionisées, puis envoyées dans une enceinte sous vide où leur « temps de vol » permet de mesurer leur masse. Cette instrumentation permet ainsi de faire voler d’énormes protéines. D’une manière similaire au séquençage de l’ADN, la spectrométrie de masse séquence les peptides afin d’en déduire, grâce à d’énormes bases de données, la séquence exacte de la protéine. La précision de l’instrument permet de différencier deux protéines possédant de légères différences dans l’enchaînement de leurs briques élémentaires.

Sarah Cianférani utilise ces informations pour la protéomique, c’est-à-dire à l’étude exhaustive des protéines en présence dans une cellule ou des tissus, voire dans un organisme complet. Les deux tiers des scientifiques de l’équipe Spectrométrie de masse bioorganique (LSMBO)*, que Sarah Cianférani dirige à l’IPHC, s’occupent de protéomique dite « fonctionnelle », avec tout un axe dédié à la détection de biomarqueurs liés à des pathologies comme la maladie de Lyme, les maladies neurodégénératives ainsi que plusieurs cancers, ou encore pour faire le lien entre la biodiversité et la santé humaine. La diversité de ces applications est justement ce qui a motivé Sarah Cianférani à se consacrer à la science.

« J’ai d’abord pensé devenir médecin, mais je ne supporte pas le sang, se souvient Sarah Cianférani. Alors je me suis lancée dans la chimie, où je me suis épanouie tout en gardant un lien avec la biologie et la médecine. »

L’identification des protéines est essentielle à cette quête diagnostique et thérapeutique, mais, comme elles ne sont pas actives seules dans notre organisme, il faut comprendre comment elles interagissent avec leurs partenaires : c’est le domaine de la « protéomique structurale », cœur de métier de Sarah Cianférani. Il s’agit alors d’identifier les protéines qui s’associent pour former des complexes biologiquement actifs, de compter le nombre de sous-unités de chacune d’entre elles et mieux encore : de déterminer les zones en interaction et de proposer un modèle 3D de l’assemblage protéique à partir de données de spectrométrie de masse. Un défi que Sarah Cianferani relève avec enthousiasme.

La protéomique structurale est aussi incontournable dans l’industrie pharmaceutique, pour développer des protéines médicaments les plus sûres possibles pour le patient, telles que les anticorps monoclonaux utilisés en immunothérapie. Ces énormes protéines servent dans la prise en charge de maladies auto-immunes et de cancers, où elles offrent des traitements moins lourds, mieux tolérés et alternatifs aux chimiothérapies. Sarah Cianférani et son équipe ont développé pour cela des méthodes de spectrométrie de masse uniques pour valider la fixation des molécules hautement cytotoxiques à des anticorps (on parle alors d’anticorps immunoconjugués ou d’anticorps « armés »), qui sont des protéines, chargées de délivrer la substance active vers la tumeur à cibler. Une excellence scientifique que Sarah Cianférani atteint avec son équipe, au sein de laquelle elle insuffle un esprit collaboratif et positif où chacun apporte sa valeur ajoutée.

« J’ai pris la direction d’une équipe issue du même laboratoire où j’ai passé ma thèse, se réjouit Sarah Cianférani. Je poursuis ainsi une passionnante aventure scientifique à l’interface de la chimie analytique et de la biologie, mais aussi humaine. J’en apprends beaucoup sur moi-même et il me tient à cœur de rester bienveillante et de faire en sorte que chacun se sente bien au sein de l’équipe. J’assure une direction assez collégiale, mes collègues sont ma deuxième famille ! »

(*) Site strasbourgeois de l’infrastructure nationale de protéomique ProFI.