Premier « mur » du Top Tracker de JUNO installé en Chine

14 février 2025

L’IPHC avait conçu et réalisé entre 2004 et 2006 le trajectographe (Target Tracker) de l’expérience OPERA qui étudiait l’oscillation des neutrinos au laboratoire souterrain du Gran Sasso en Italie. A la fin de la période de prise de données, les 62 immenses murs de détection de 7,5 m de côté du trajectographe ont été démontés en 2016 en vue de leur réutilisation dans l’expérience JUNO en Chine. L’ambition de JUNO est de déterminer l’ordre des masses des neutrinos. Le rôle du Top Tracker, construit à partir de ces murs de détection, sera de reconstruire les trajectoires des muons cosmiques induisant du bruit de fond dans l’expérience. Alors que la construction de JUNO touche à sa fin, une équipe de l’IPHC vient de démarrer en janvier 2025 avec leurs collègues chinois, italiens et russes, l’installation du Top Tracker, cerise sur le gâteau de ce gigantesque édifice scientifique.

Le neutrino, particule fantôme du Modèle Standard de la Physique de Particules

Les neutrinos sont trois des particules fondamentales du Modèle Standard de la Physique de Particules. Entre 1998 et 2002, les expériences Super-Kamiokande et SNO ont découvert le phénomène d’oscillation des neutrinos, ce qu’a été l’origine de plusieurs expériences par la suite pour étudier les propriétés de ces oscillations.

Une des propriétés encore méconnue est l’ordre des masses des neutrinos : le neutrino partenaire de l’électron (lepton chargé le plus léger) serait-il aussi le neutrino le plus léger ou, au contraire, ce serait-il le plus lourd ?

JUNO, l’observatoire souterrain de neutrinos

L’expérience JUNO (Jiangmen Neutrino Underground Observatory) est une collaboration internationale constituée de 69 instituts asiatiques, européens et américains. Sa construction a débuté en 2015.

Un des principaux objectifs de JUNO est la découverte de l’ordre des masses des neutrinos. Pour atteindre ce but, JUNO va mesurer précisément la distribution en énergie des antineutrinos électroniques produits dans des réacteurs nucléaires situées à 53 km du détecteur. Le détecteur est constitué d’un scintillateur liquide sphérique, dont la lumière est collectée par 17612 photomultiplicateurs de 20 pouces de diamètre et 25600 de 3 pouces. L’ensemble est entouré par une piscine d’eau également équipée de photomultiplicateurs (qui détectent la lumière émise par l’effet Tcherenkov) pour identifier les muons cosmiques induisant du bruit de fond. Un détecteur supplémentaire pour reconstruire les trajectoires de ces muons sera installé au-dessus : le Top Tracker.

Vue en coupe du détecteur de l’expérience JUNO

Comment discriminer les muons parasites ?

Un des principaux bruits de fond dans JUNO provient des muons atmosphériques traversant le détecteur central de JUNO et induisant des signaux (via des décroissances β-n des isotopes cosmogéniques 9Li/8He) similaires à ceux attendus par les antineutrinos des réacteurs (mesurés par le processus inverse de la désintégration bêta). Pour pouvoir bien identifier les muons traversant le détecteur afin de pouvoir contrôler ce bruit de fond, JUNO dispose d’un système de véto. Le Top Tracker, situé au-dessus du détecteur central de JUNO, est une des parties du système de véto, ayant pour but de mesurer précisément la position et la direction de ces muons.

L’analyse des trajectoires des muons traversant le Top Tracker permettra de faire le tri entre les évènements issus de l’activité des rayons cosmiques et ceux issus des interactions entre les neutrinos et le liquide scintillant à l’intérieur de JUNO

De OPERA à JUNO, naissance du Top Tracker

Le Top Tracker a été construit à partir des panneaux de scintillateur plastique du Target Tracker de l’expérience OPERA construits à l’IPHC entre 2004 et 2006. Ces panneaux de scintillateurs ont été instrumentés avec une nouvelle électronique de lecture développée spécialement pour JUNO, en grande partie à l’IPHC. Ceci permettra une acquisition à un taux de déclenchement nettement supérieur (50 kHz) à celui d’OPERA, pour faire face aux nouveaux besoins. Les cartes Front End reçoivent les signaux provenant des photomultiplicateur multi-anodes placés de chaque côté des modules du Top Tracker et les envoient aux cartes de Read Out. Celles-ci transmettent les signaux à des cartes Concentrateurs pour faire des corrélations entre modules (déclenchement de premier niveau) et envoyer les informations au système d’acquisition central.

Premier élément installé avec succès

Le Top Tracker, étant au-dessus du détecteur central de JUNO, c’est la dernière partie de l’expérience à être installée.

Le 12 janvier 2025, une équipe composée de membres de l’IPHC (Thomas Adam, João Pedro Athayde Marcondes de André, Marcos Dracos, Loic Labit, Min Li et Jacques Wurtz) avec leurs collaborateurs chinois, italiens et russes, ont mis en place le premier des 62 « murs » du Top Tracker de JUNO.

L’équipe de collaborateurs de l’IPHC et leurs collègues chinois, italiens et russes à la fin de la mise en place du premier des 62 « murs » du Top Tracker de JUNO le 12 janvier 2025.

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