Première expérience de mesure de section efficace de réaction (n, 2-3n) de l’Uranium-238 à SPIRAL2/NFS

11 février 2025

Après avoir déployé, pendant une décennie, une technicité de haut niveau pour l’installation d’une ligne de faisceau dans la salle NFS(1) de SPIRAL2(2) au GANIL(3), l’équipe DNR de l’IPHC a conçu, construit et mis au point, avec les collègues belges (JRC-Geel), roumains (IFIN-HH) et hollandais (ESRIG), un équipement de pointe destiné à la mesure de section efficace de réaction. Ce développement a conduit l’équipe projet, à l’automne 2024, à réaliser sa première expérience dans la salle NFS, pour mesurer la section efficace de réaction (n, 2n) et (n, 3n) de l’Uranium-238.

Le but de l’expérience est de mesurer les sections efficaces 238U(n, 2n) et 238U(n, 3n) en utilisant la méthode de la spectroscopie gamma prompte couplée à des mesures de temps de vol, ainsi que la section efficace totale 238U(n, 2n) par la méthode d’activation. Ces mesures précises viendront enrichir les bases de données expérimentales qui sont nécessaires pour qualifier et/ou améliorer les bases de données nucléaires utilisées pour l’étude des réacteurs nucléaires, que ce soit pour l’amélioration des performances des réacteurs actuels ou le développement d’une nouvelle génération de réacteurs permettant une production d’électricité plus durable, propre et sure. L’installation NFS, délivrant un faisceau de neutrons intenses allant du MeV à 40 MeV, permet l’étude de réactions jusqu’alors mal connues. Cette gamme en énergie permet notamment de s’intéresser aux réactions mises en jeu dans les réacteurs de 4ème génération basés sur des spectres neutroniques plus rapides que ceux présents dans les réacteurs actuels.

L’installation de l’expérience a été réalisée sur deux semaines en septembre 2024. La première semaine a été consacrée au montage du support des détecteurs MAELS (Multidetector Array for inELastic Scattering), conçu par le service mécanique de l’IPHC, des détecteurs Germanium et des chambres à fission sur leurs supports respectifs et de toutes les connections électroniques ainsi que la mise en place du système de refroidissement à l’azote liquide des détecteurs. La deuxième semaine a permis de finaliser l’installation de l’électronique et de réaliser les réglages du système d’acquisition en utilisant une source d’Europium calibrée permettant un étalonnage précis des caractéristiques de chaque détecteur. L’expérience s’est déroulée du 11 au 26 octobre 2024. Des résultats scientifiques préliminaires seront présentés par l’équipe DNR (Maëlle Kerveno, Philippe Dessagne et Greg Henning) lors de la conférence internationale Nuclear Data for Science and Technology à Madrid en juin 2025. L’analyse complète des données recueillies prendra de 2 à 3 ans et sera réalisée dans le cadre d’une thèse.

Ce projet a été financé en partie par le projet Européen APRENDE.

⤵️ En savoir plus : descriptif de l’expérience E859_22


Experience E859_22 238U(n, 2-3ng), campagne automne 2024

Collaboration: CNRS/IPHC Strasbourg, JRC-Geel, IFIN-HH Bucarest, ESRIG Groningen.
Projet soutenu par le projet Européen APRENDE.

  • @NFS 30 UT, d + Be, intensité moyenne ~20 mA
  • Distance de vol ~30 m
  • Détecteurs :
    • 12 détecteurs Germanium, 6 planar (IPHC) et 6 gros volume (4 JRC-Geel, 2 IFIN-HH)
    • 1 Chambre à fission IPHC, (3 dépôts 238U)
  • Support de détecteurs MAELS conçu et construit à l’IPHC (financement TGIR)
  • Cibles fournies par JRC-Geel: 1 cible natU utilisée pendant le temps faisceau FALSTAFF, 2 cibles d’Uranium appauvri (14 g chacune) pour les 2 périodes d’expérience.
  • Système d’acquisition : FASTER (IPHC)
  • Système de remplissage automatique d’azote liquide : GANIL
  • Gaz Chambre à fission P10 : GANIL
  • Connexion à distance : mise en place d’une connexion à distance pour que l’on puisse piloter l’acquisition de Strasbourg notamment pendant les périodes d’acquisition sans faisceau (mesure de décroissance de l’237U) et pendant les temps faisceau « FALSTAFF »

Contribution de l’IPHC à la construction de NFS

L’IPHC est intervenu entre 2014 et 2021 dans la construction de NFS via diverses contributions. Une des plus significatives est le design, la construction et l’installation d’une ligne de faisceau d’une longueur de 27 mètres, équipée à mi-distance d’un collimateur blindé avec un sarcophage multimatériaux de plus de 25 tonnes. Cet équipement est essentiel pour dimensionner le faisceau à un diamètre adéquat pour les expériences ayant lieu au bout du hall expérimental. Pour cette tâche, l’équipe DNR a pris en charge les simulations MCNP permettant l’élaboration du design et le service mécanique est intervenu pour la conception et la construction.

MAELS : Multidetector Array for inELastic Scattering

Deux tests sous faisceau avec des détecteurs au Germanium menés en 2021 et 2022 ont montré que la méthode de la spectroscopie gamma prompte pouvait être utilisée à NFS pour étudier les réactions (n, 2-3n). Le projet d’expérience dédié à l’Uranium-238 a été soumis, dans la foulée du second test, au PAC du GANIL fin 2022. L’expérience acceptée, il restait à concevoir et construire l’ensemble de l’équipement permettant d’accueillir les différents détecteurs mis en jeu dans l’expérience programmée fin 2024.

En 2023 et 2024, le service mécanique a donc conçu le support des détecteurs, MAELS (Multidetector Array for inELastic Scattering).

Différentes contraintes devaient être respectées :

  • Minimiser la matière pour limiter la diffusion des neutrons
  • Positionner des détecteurs, de manière précise et reproductible
  • Pouvoir interchanger des détecteurs avec des différences géométriques
  • Maîtriser un calendrier imposé par un délai de développement raccourci.

Une aventure scientifique et technique collective

La mise en place de l’expérience a pu être réalisée à temps et les premiers résultats montrent que le support MAELS a respecté le cahier des charges, ouvrant la voie vers de possibles futurs expériences du même type. Tout au long de cette aventure, de 2014 à 2024, l’équipe projet a su tenir compte de l’évolution des effectifs des équipes techniques et notamment celle du STM (Service Technique Mécanique de l’IPHC) qui a été un des principaux services contributeurs. On peut mentionner l’implication forte de Gérard Gaudiot, Eddy Dangelser, Max Solazzo, Jean-Noël Grapton, Hubert Kocher, Christophe Ruescas, Cédric Schwab et Marc Krauth qui ont œuvré, au sein de l’équipe projet, au succès de l’évolution de l’installation et de cette première expérience Strasbourgeoise en salle NFS.

(1) NFS : Neutrons For Science. L’installation NFS a accueilli son premier faisceau en décembre 2019, avant une mise en service progressive jusqu’en 2021. Elle est exploitée pour des expériences de physique nucléaire et des recherches appliquées, sous un flux de neutrons extrêmement intense, unique au monde.

(2) SPIRAL2 : Système de Production d’Ions Radioactifs en Ligne de 2nde génération.

(3) GANIL : Grand Accélérateur National d’Ions Lourds. Le GANIL est un des grands laboratoires internationaux au service d’une communauté scientifique internationale pour la recherche avec des faisceaux d’ions : physique du noyau, de l’atome, de la matière condensée, astrophysique, radiobiologie…

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